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Chronique de la Victoire des Mages
Der Urknall
Le Prince Ehtejab
The Wolf
My China Doll
Sketching
L'uomo dalla cravatta rossa

Le Prince Ehtejab
Fakhronessa dit en riant :
- Tu as beaucoup de retard Prince. Quand vastu donc t’y mettre, hein ?
II y avait le revolver du grand-père, lourd et froid. Le tic-tac continuel et interminable des horloges, l’odeur de renfermé, l’odeur des bougies à moitié brûlées, celle de Fakhronessa qui se tenait de l’autre côté dans l’obscurité, remplissaient toute la pièce.
Le Prince dit tout haut :
- Si seulement j’avais ouvert la fenêtre pour qu’au moins cette odeur de renfermé...
Et il toussa. Mais il savait que même en toussant très fort, il ne pouvait pas faire bouger les vitrages des portes et des fenêtres.
Il toussa encore.
Le Prince Ehtejab savait que c’était inutile, qu’il ne pouvait pas, que le grand-père resterait toujours ce qu’il était sur cette photo en noir et blanc : comme une peau qu’on avait empaillée. Il continuerait à vivre comme une image sur tous ces livres, sur toutes ces photos et dans toutes ces anecdotes contradictoires. Mais il voulait savoir, ne serait-ce que pour lui-même et pour Fakhronessa ; il voulait comprendre ce que derrière cette peau, derrière ce clair-obscur de la photo et entre les lignes de tous ces livres... Ii dit tout haut :
- Il faut que je fasse quelque chose.
Et il toussa. Parmi tous ses valets de chambre, ses eunuques, ses valets de pied et parmi les cris « Ne regardez pas ! Eloignez-vous! », parmi ces femmes du harem et ces femmes esclaves qui se jetaient dans le bassin et luttaient entre elles... (nues ?), le grand ancêtre riait sans doute. Satisfait, il exultait. Il lançait des pièces, les femmes et les esclaves se jetaient les unes sur les autres, la masse de viande vivante et blanche s’agitait, riait, s’agglutinait, de temps en temps un bras et un pied restaient en dehors. Lorsque cette masse s’ouvrait, le grand-ancêtre jetait à nouveau des pièces. Au-delà, derrière tout cela, le grand-père se tenait debout. Ou assis ? Une vague esquisse d’un enfant gros et petit, ou grand et mince, avec des cheveux épais ou... et les yeux? Avec l’épée, le chapeau, les bottes, l’éclat des boutons. Et les précepteurs, les ministres et ses conseillers. Le gouverneur... de je ne sais où. Et s’il arrivait qu’il ne reçût personne et que les Mollas ne vinssent pas prier pour sa Sainte Ame, que les généraux ne vinssent pas lui baiser les pieds…
- Si l’on crève les yeux d’un moineau, jusqu’où pourra-t-il voler?
Il toussa, haut et fort. Il comprit qu’il ne pouvait pas, il abandonna pour que le grand-père restât une image, assis sur un sofa ou sur un cheval docile, ou derrière cette masse de viande informe, riante et vivante.

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